On peut parler d’enseigner une classe de base ?
Je tente une approche différente pour préparer et démarrer une classe de base de Co‑écoute.
Lors d'un récent atelier de Secteur, notre thème principal était le développement de la Communauté, en particulier dans le contexte de l'intégration des personnes issues de la Majorité Globale, des personnes autochtones, des jeunes adultes, des personnes ayant grandi dans la pauvreté et des personnes de la classe ouvrière dans notre Communauté, actuellement majoritairement blanche et issue de la classe moyenne.
La discussion s'est orientée vers l'enseignement des principes fondamentaux. Nous avons chacun∙e réfléchi à voix haute au rôle que nous aimerions jouer dans le lancement d'une nouvelle classe de base pour le Secteur.
Il est intéressant de noter que celles et ceux qui avaient déjà enseigné ou assisté dans un classe de base ont tou∙te∙s exprimé leur découragement. Iels ont dit des choses comme : « Pas moi. J'adore l'idée, mais je ne veux pas avoir à enseigner ou à diriger une classe de base. »
Je comprenais. J'ai été affectée personnellement par le fait que des personnes que j'aimais ont décidé de ne pas suivre de classe de base ou sont venues une fois et ont abandonné. Parfois, vous recrutez des personnes pour suivre une classe, vous faites toute la sélection et la présentation de la Co-écoute, pour finalement voir tou∙te∙s ou presque tou∙te∙s les apprenant∙e∙s abandonner après quelques semaines ou quelques mois. Il est difficile d'éviter une forte restimulation lorsque cela se produit.
Heureusement, quatre Co-écoutant∙e∙s ont levé la main et ont dit qu'iels aimeraient essayer d'animer une nouvelle classe de base ! C’étaient tou∙te∙s des Co-écoutant∙e∙s plus jeunes qui n'avaient encore jamais enseigné les bases. Iels étaient enthousiastes et intéressés.
SOUTENIR ET PRÉPARER LES DIRIGEANT∙E∙S
En tant que Personne de Référence Régionale (PRR), j'ai décidé de soutenir pleinement ce groupe de quatre personnes. Ensemble, nous allions préparer et lancer une nouvelle classe de base.
Cette "classe pour dirigeant∙e∙s de base" a débuté en août 2024, avec moi comme formatrice pour le groupe de quatre personnes. J'étais assistée par un ancienne Personne de Référence Régionale expérimentée qui avait animé de nombreuses classes de base. Nous nous sommes réunis chaque semaine, tou∙te∙s les six.
Nous avons commencé par briser la glace en racontant nos histoires, en travaillant sur des incidents précoces, en riant beaucoup et en jouant. Chaque semaine, nous avons exploré des aspects importants de l'enseignement de base. Nous avons également noué des relations entre nous.
À mi-parcours, nous avons décidé qui serait la personne formatrice de la nouvelle classe. Les trois autres dirigeant∙e∙s ont accepté de la soutenir de toutes les manières possibles. Cela ne signifiait pas seulement apporter des mouchoirs ou collecter l'argent. Il s'agissait de se soutenir mutuellement, en particulier la personne formatrice, par exemple lorsqu'un∙e apprenant∙e dont elle s'était prise d'affection quittait la classe, arrivait en état d'ébriété ou montrait de l’agressivité.
Nous voulions que les dirigeant∙e∙s de base comprennent que cette expérience était tout autant pour eux/elles que pour leurs apprenant∙e∙s. Iels allaient mettre à profit cet effort pour mieux comprendre leur rôle de dirigeant∙e∙s, affiner leurs compétences en matière d‘écoute, briser leurs automatismes chroniques et approfondir leur compréhension des outils de la Co-écoute pour leur propre usage.
Des défis
Nous avons travaillé sur de nombreux aspects, mais nous n'avons pas eu assez de temps pour explorer en profondeur tous les aspects de l'enseignement de la Co-écoute. Nous espérons qu'iels pourront travailler sur ces points avec leurs apprenant∙e∙s au cours de l'année à venir. Nous avons passé du temps sur certains éléments-clés susceptibles de déstabiliser une classe de base, notamment le contexte familial, l'origine ethnique, la prise de médicaments psychiatriques et l'absence de vie sociale.
Comme la plupart des systèmes dans la société, la Co-écoute a été largement dirigée par des personnes blanches issues de la classe moyenne et aisée. Cela change progressivement en ce qui concerne la Co-écoute, mais les automatismes de la classe moyenne blanche continuent d’opérer dans une large mesure. Nous avons travaillé sur les questions où le classisme et le racisme pouvaient s'infiltrer [de manière subtile]. Cette discussion et cette libération doivent se poursuivre.
Diriger sans isolement
Mon soutien a été utile aux personnes qui ont relevé le défi. Elles ont pu plus facilement se considérer elles-mêmes et leur travail comme importants et précieux. Elles ont pu sentir mon soutien et mes encouragements. Elles savaient qu'on pensait à elles et qu'elles ne seraient pas laissées seules. Elles étaient en totale connexion avec moi, mon assistant∙e et leur équipe. Nous étions déterminés à briser l'isolement par tous les moyens possibles.
J'ai informé ma Communauté qu'il ne fallait pas lancer une classe de base avec moins d'une personne formatrice et trois assistant∙e∙s. L'isolement s'installe sans crier gare. Plus il y a de liens, de soutien, de séances de Co-écoute, d'amour et d’épaules sur lesquelles s'appuyer lorsque les temps sont durs, mieux c'est pour une nouvelle personne formatrice et son équipe.
Notre classe pour les dirigeant∙e∙s de base touche à sa fin. Ensuite, nous aurons la première introduction à la Co-écoute pour la classe de base proprement dite.
Nous prévoyons huit à dix nouveaux participants. Je prends maintenant du recul et laisse nos quatre dirigeant∙e∙s prendre les rênes. En tant que dirigeante expérimentée et PRR, j'ai beaucoup appris en animant cette classe.
Traduit de l’anglais par Régis Courtin