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Diane Shisk

 

Un autre point de vue sur les relations

— Tim Jackins

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Une réponse lors d’une soirée questions-réponses à l’atelier pour les Dirigeant-e-s des Jeunes Adultes, près de Boston, Massachusetts, USA, Novembre 2013

Question : Quelles attentes rationnelles peut-on avoir vis-à-vis de nos relations ?

Tim Jackins1 : Eh bien, cela dépend de la relation. Nous avons beaucoup de confusions vis-à-vis des relations. Chaque enfant naît en espérant que quelqu’un sera là pour lui apprendre à bâtir une relation. Peut-être que dans quatre ou cinq générations, quand nous aurons suffisamment nettoyé de choses pour comprendre cela, un nouveau-né aura auprès de lui quelqu’un avec qui bâtir une relation, et aura la possibilité de s’essayer à cela. D’ici là, les choses vont aller en s’améliorant.

La formulation “attentes vis-à-vis de nos relations” est un peu chargée de sens. Presque tous, nous avons entendu de la part d’une autre personne : “J’en attendais plus.” (rires) Une relation a du sens quand elle améliore la vie des deux personnes impliquées. C’est ça qui constitue la base. Ensuite, c’est à vous de mettre au point les détails. D’autres règles à suivre : ne pas tout attendre d’une seule relation et ne rien attendre d’autre de la part de la société oppressive qu’elle vous induise en erreur au sujet des relations.

Presque tous, nous avons été élevés dans des sociétés entièrement dominées par le capitalisme. Ceci a un énorme effet sur nos relations et la façon dont nous les considérons. Nous essayons d’exister dans une situation oppressive, avec l’oppression se manifestant tout autour de nous, à la fois dirigée contre nous et venant de nous. Ceci nous jette dans la confusion au sujet d’un tas de choses, y compris les relations.

Je crois qu’il serait utile d’essayer d’avoir des relations proches et bienveillantes qui n’accomplissent pas grand-chose, plutôt que rechercher dans une relation des solutions à nos problèmes. Aucune relation n’éliminera vos détresses. Désolé. Allons donc — vous avez déjà essayé et vous le savez bien. Vous ne pouvez pas résoudre une souffrance du passé en vous servant de quelqu’un du futur pour la camoufler. Vous avez déjà essayé plusieurs fois. “Il doit y avoir quelqu’un.” Non, il n’y a personne. Vous serez seuls et misérables à tout jamais (pause), si vous ne travaillez pas et ne déchargez pas la détresse.

L’assemblée : Ohhhh . . . . Pourquoi tu ne le disais pas ?

Tim : Parce que vous n’écoutiez pas.

Ce qu’il vous faut, c’est une cinquantaine de relations dans lesquelles vous et l’autre pouvez être humains l’un envers l’autre. C’est ça l’attente qu’on peut avoir — ne pas s’attendre à ce que la relation se développe de manière gigantesque, mais à ce que vous puissiez vous voir peut-être une fois par semaine pendant deux minutes en passant, et que pendant ces deux minutes vous puissiez vraiment vous révéler l’un à l’autre, vous apprécier mutuellement, et montrer à quel point vous appréciez l’existence de l’autre. Est-ce que vous n’aimeriez pas vivre cinquante rencontres de ce type chaque semaine ? Ça vous entrainerait à apprendre comment avoir des relations sans attentes démesurées.

DES RELATIONS PLUS PROCHES

Il y a des choses à apprendre pour avoir des relations plus proches. L’une d’elles est d’oser laisser l’autre personne vous connaître davantage, et lui faire confiance avec ces informations — ne pas attendre d’elle qu’elle soit votre écoutant-e, mais plutôt qu’elle soit consciente de vos difficultés.

Vous pouvez vous mettre d’accord sur l’étendue des ressources que vous vous apporterez mutuellement dans votre écoute, mais cette autre relation ne doit pas être basée là-dessus.

La relation est basée sur “Je t’aime bien,” “Le monde me semble meilleur quand j’ai l’occasion d’être avec toi,” “Je me rappelle plus clairement ce que c’est qu’être vivant-e quand je suis avec toi.” Et vous n’avez simplement qu’à être vous-mêmes. Il n’y a aucune autre tâche à remplir. Si nous pouvons travailler pour arriver à ça les un-e-s avec les autres, je pense que nous avons une chance d’apprendre ce que ça signifie d’être de plus en plus proches.

Vous avez un autre ensemble de relations qui mettent en jeu un certain projet. Nous serons camarades au sein de ce projet, en trouvant le moyen de travailler ensemble. Dans ce cadre-là aussi, il est utile de réaliser explicitement que nous ne sommes pas là pour prendre soin les un-e-s des autres. Nous ne sommes pas l’écoutant-e l’un-e de l’autre à moins que nous ne nous soyons tous deux mis d’accord sur ce point.

D’abord, on essaye de comprendre pourquoi on souhaite avoir une relation en particulier, on fait le tri dans sa tête, on décharge complètement là-dessus, et on fait en sorte que l’autre personne fasse de même. C’est beaucoup plus facile si elle connaît la Co-écoute, mais on peut très bien amorcer le processus sans cela. On peut commencer à bâtir la relation, et la développer autant qu’on peut avec un engagement mutuel aussi important que possible, en dépit des difficultés.

On sait qu’il y a une façon de se sortir des difficultés, et l’autre personne ne le sait pas ; donc, d’une certaine façon, on apporte pendant un temps un soutien déséquilibré. Quand l’engagement est solide et qu’on rencontre des difficultés, alors on peut fournir à l’autre personne les outils de la Co-écoute pour qu’elle avance par ses propres moyens. Il se peut qu’on ait énormément d’efforts à faire au début, parce que les désirs et les espoirs gelés de l’autre personne ne sont que très peu réfrénés. Mais en fin de compte, on doit attendre d’elle qu’elle les gère — on ne doit ni abandonner ni s’enfuir.

Parfois, on se sent tellement seul-e que quand une personne focalise sur nous un besoin gelé2, ça nous apparaît comme une bonne chose. (rires) Il nous semble qu’il n’y a aucun espoir que quelqu’un pense véritablement à nous, alors on est content-e d’avoir au moins cette attention gelée. Mais le plus souvent, on est effrayé-e par cette lueur d’attention gelée, et on s’enfuit. On n’a aucune idée quant à notre capacité de gérer ça ; on ne veut simplement pas s’en occuper. Elle ressemble à la nôtre ! On est également fasciné-e par des gens.

L’assemblée : Non.

Tim : Non, non. Il n’y a personne dans cette salle qui vous fascine. (rires) Vous êtes blancs comme neige.

La détresse de cette personne fascinante ressemble à la nôtre. C’est en partie pour ça que c’est tellement restimulant. Et donc, ça nous donne l’occasion de travailler sur nos peurs à ce sujet. Ça nous permet de faire des choix. On peut choisir de tenter certaines choses, et parfois ça ne marche pas. Mais on a les outils pour essayer de faire avancer la personne dans la bonne direction, et on n’a pas à abandonner en pleine restimulation. On peut décider qu’il y a plus de travail pour arriver là où on l’espérait que ce qu’on a envie de fournir. Alors, on peut changer d’idée sur ce que peut être la relation.

On doit cesser d’espérer qu’une relation apparaîtra clés-en-main. Aucun-e de nous n’est en état d’offrir à quiconque une relation géniale (rires), à moins de vouloir y travailler jusqu’au bout. Les relations ne sont que du travail, en partie à cause du fait que nous n’avons pas eu la chance en tant qu’enfants d’apprendre à bâtir des relations. Le bruit de la restimulation sème la confusion dans notre esprit. Mais on peut faire en sorte que les relations marchent bien. J’ai plusieurs relations excellentes. J’ai aussi échoué dans de nombreux cas.

LES RELATIONS DE CO-ÉCOUTE

Nous pouvons beaucoup apprendre et beaucoup décharger en bâtissant nos relations de Co-écoute. Heureusement, ces relations-là sont définies avec plus de soin. Malgré tout, nous n’avons pas osé les poursuivre et les développer pleinement à cause de nos détresses au sujet des relations.

Quand vous aurez quitté cet atelier, combien de temps vous faudra-t-il pour oublier les connexions que vous aviez ici ? Vous devrez vous battre pour vous souvenir de ces personnes et des relations que vous avez pu établir ici. C’est une lutte contre la détresse non-déchargée au sujet des relations. Personne ne peut mener cette lutte sinon vous.

Regardez autour de vous et trouvez un visage dont vous souhaitez vous souvenir. Trouvez-en deux. Regardez-les, qu’ils vous regardent ou non en retour. Ne laissez pas prise à l’idée “seulement s’ils m’aiment bien aussi.” Il s’agit de vous et du fait que vous êtes contents qu’ils existent. Il s’agit de vous entrant en contact avec eux, qu’il y ait ou non quelque chose en retour. Il s’agit de l’attention bienveillante envers quelqu’un d’autre et de la décision de la porter même si elle n’est pas réciproque. Regardez autour de vous, trouvez ce visage, trouvez-en deux. C’est bon ? Maintenant, gravez-les dans votre mémoire. Et demain, sortez votre smartphone et prenez-les en photo. (rires) Prenez-en un, deux, trois ou cinq (pas plus de cinq) en photo. Et puis, regardez ces photos chaque semaine pendant les six prochains mois. (rires)

Je sais que vous pensez que ça va être facile, sans effort, et “naturel”, mais ce n’est pas le cas. Vous devez travailler à vos relations. Si vous pouvez vous souvenir de ces visages, ça fera une différence. Ça vous apportera un appui supplémentaire dans cette lutte pour bâtir des relations de plus en plus proches les un-e-s avec les autres.

Faisons une mini-séance en pensant aux personnes dont vous voulez avoir la photo. Qui voulez-vous prendre en photo, sans que personne n’en sache rien ? Six minutes dans chaque sens.

1 Tim Jackins est la Personne de Référence Internationale pour les Communautés de Réévaluation par la Co-écoute.

2 "Besoin gelé" est un terme employé en Co-écoute pour désigner une blessure causée lorsqu’un besoin rationnel n’est pas satisfait dans l’enfance. La blessure pousse une personne à continuellement essayer de satisfaire le besoin dans le présent, mais le besoin gelé ne peut pas être satisfait ; il peut seulement être déchargé.

Paru dans Present Time N°175 (Avril 2014)

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Last modified: 2019-05-02 14:41:35+00