Choisir de décharger

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Une grande partie de mes enregistrements de détresse provient du fait que je n’étais pas autorisée à décharger. En conséquence, une grande partie de mes restimulations est constituée de toutes les choses ce que j’ai apprises à faire au lieu de décharger.

Plutôt que de pleurer, j’ai appris à regretter, ou à reprocher, ou à m’indigner, ou à me disputer.

Plutôt que de trembler, j’ai appris à me remuer, ou à attaquer, ou à me retirer, ou me faire des soucis, ou analyser (chercher un moyen de résoudre plutôt que de trembler).

Plutôt que de rire (décharger la gêne), j’ai appris à parler, ou à flirter, ou à faire semblant, ou à manger.

Je suppose qu’au fond, choisir de ne pas être restimulée, c’est choisir de décharger à la place.

Mes premières expériences avec la décharge, au lieu d’être restimulée, étaient liées à des douleurs physiques. J’ai remarqué que ma fille ne jurait pas, ni ne se mettait en colère, quand elle s’était fait mal : elle pleurait. Donc, avec le temps, j’ai appris à pleurer quand j’avais mal.

Ensuite, je devais me confronter avec la fureur restimulée par les conflits avec ma fille. Peu à peu, j’ai appris à pleurer et trembler, plutôt que de projeter ma colère sur elle. Je m’assois simplement par terre pour sangloter, jusqu’à ce que l’envie de lui faire du mal se dissipe.

Récemment, la question que j’essaie de garder à l’esprit est : « Si je n’étais pas restimulée, qu’est-ce que je ressentirais ? »

Le fait de me poser cette question, plutôt que d’essayer d’imaginer un chemin rationnel en dehors de la restimulation, focalise mon attention sur la proximité et la relation proche plutôt que sur mon obsession chronique à imaginer la bonne façon de faire. Cela me sauve aussi de l’idée que mon seul guide d’action serait de ne surtout pas faire ce que ma restimulation me dit de faire (avec ma fille, c’était de rester assise de façon plus ou moins figée en m’appliquant de toutes mes forces pour ne pas la frapper).

Je suppose qu’une grande partie des enregistrements de détresse consistent en l’idée que quelque chose doit être fait, ou arrangé, ou amélioré (ou que quelque chose aurait dû être empêché ou fait différemment). La vérité est qu’une fois la douleur ou la restimulation passée, le plus souvent la seule chose à "faire" est de décharger.

En d’autres mots, je pense que la réponse à ma question « Qu’est-ce que je ferais, si je n’étais pas restimulée ? » est que je ne serais pas en train d’imaginer ce que je pourrais faire. Soit je serais en train de faire quelque chose, soit je serais en train de décharger. Souvent, la réponse à la question est « rien du tout », parce que je ne serais pas restimulée à penser qu’il y avait une question à laquelle je devais "faire" quelque chose. Je ne serais pas restimulée à penser que quelque chose n’allait pas.

Donc, en cas de doute, décharge. Il est possible que ce soit tout ce qu’il faut. Il est possible que tout ce qu’il fallait, ce fût toi.

— Tara Jones

Eugene, Oregon (USA)

Traduit par Jos Sjollema

Paru dans Present Time N°142 (Janvier 2006)


Last modified: 2023-04-15 09:24:12+00