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Diane Shisk

 

Nettoyer les sentiments mesquins

— Tim Jackins (Seattle, USA)

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D’après une présentation par Tim Jackins lors d’un atelier
pour les Personnes de Référence de la Côte-Ouest des Etats-Unis en Janvier 2004

Nous entretenons probablement des relations de meilleure qualité et avec un nombre de gens plus important que n’importe qui de notre connaissance. Malgré tout, je voudrais que nous travaillions sur ce qui nous pousse parfois à baisser les bras dans nos relations et à décider de gérer dans la souffrance des choses qui ne marchent pas vraiment : « Oui, nous nous aimons ; oui, nous savons ça tous-toutes les deux. Mais non, je ne l’apprécie pas beaucoup. » C’est un peu comme une direction positive. C’est mieux que de céder à la restimulation, mais entretenir une relation qui soit continûment basée de manière exagérée sur des directions positives peut conduire à dévitaliser quelque peu cette relation.

Parce que nous comprenons la Co-écoute, les automatismes de détresse et la restimulation, nous savons comment gérer un certain niveau de restimulation. Nous pouvons nous habituer à la gérer plutôt que faire le travail nécessaire pour qu’une personne ou une situation particulière ne nous mette plus dans cet état. Nous en arrivons à tolérer un certain degré de restimulation entre nous. Nous faisons ça avec les gens en dehors de la Co-écoute, à sens unique, et au sein de la Co- écoute, dans les deux sens. Nous essayons d’agir en dépit de la restimulation ou de porter notre attention à l’opposé de celle-ci : "De bon-ne-s Co-écoutant-e-s devraient être capables de supprimer toute attention à leurs détresses et de déplacer des montagnes", et ainsi de suite. Tactiquement, il est important de savoir faire ça. Cependant, ce n’est pas une bonne stratégie à long terme. Ça peut rendre les choses de plus en plus confuses entre nous, de plus en plus coincées, et nous pouvons en arriver à nous sourire de façon de plus en plus étrange.

Beaucoup d’entre nous n’ont pas travaillé sur ces sentiments parce qu’ils ne sont pas "assez importants". Ça peut paraître difficile de travailler dessus en séance, de dire à notre Co-écoutant-e que nous nous sentons si mesquin-e-s, que nous ressentons tous ces horribles petits sentiments. Nous savons comment ça marche, et il est certain que nous n’agissons pas sur la base de ces sentiments, mais nom d’un chien, on en a bien envie ! Et la moitié de notre cerveau entre en lutte dès qu’on est en présence d’une personne qui déclenche ce genre de sentiments.

Nous avons besoin de faire ce chemin, régulièrement, et de décharger ces sentiments. Cela va être important pour l’ensemble de nos relations, mais surtout pour le travail que nous menons ensemble en tant que Co-écoutant-e-s. Si nous ne déchargeons pas les sentiments, nous pouvons en arriver à nous laisser tomber les un-e-s les autres. Nous pouvons nous contenter de ce compromis dans lequel nous essayons de nous comporter correctement les un-e-s envers les autres et nous acceptons les limitations et les rigidités qui vont de pair — sans en être heureux, mais nous les laissons en place. Nous n’arrivons pas à nous rappeler de décharger en séance tous les sentiments mesquins qui nous restent. Nous n’arrivons pas à nous rappeler que d’autres mènent peut-être la même bataille, et ils ou elles n’en deviennent que plus restimulant-e-s à force d’essayer de maintenir aussi leur détresse en place.

Bien sûr, cette autre personne n’est pas à l’origine de la détresse. Elle est apparue tôt dans notre vie alors que les irrationalités des individus et de la société autour de nous rendait toute connection difficile. Nous étions séparé-e-s et poussé-es par les détresses à nous opposer les un- e-s aux autres et agir de manière étrange les un-e-s envers les autres.

Ces sentiments mesquins se retrouvent emmêlés avec toutes les autres questions qui nous occupent et brouillent nos relations de Co-écoute, ici-même (dans cet atelier) et aussi là où nous vivons. Nous avons simplement besoin de faire des séances sur ce matériau. Nous pouvons travailler sur ces sentiments sans mentionner de noms. Cela importe peu de savoir sur quelle personne la détresse s’est retrouvée collée ; cela est accidentel et anecdotique.

Je ne souhaite pas que nous adoptions une attitude raisonnable dans ce domaine. (Vous savez, comme quand nous faisons une séance en essayant de rassurer notre Co-écoutant-e sur notre compte. Nous sommes inquiet-e-s de dévoiler les choses qui nous font souffrir et nous rendent non rationnel-le-s.) Nous avons besoin de montrer tous ces sentiments — crasseux, graisseux, mesquins, petits, méchants, vindicatifs, brutaux – et de faire confiance à la capacité de notre Co- écoutant-e de conserver une vision claire de la personne que nous sommes. Dans la (ou les deux) prochaine(s) séance(s), prenez du temps pour explorer les sentiments que vous pouvez avoir envers une personne ici présente, et peut-être envers une personne du groupe de Co-écoute dont vous faites partie chez vous. Les dirigeant-e-s, en particulier, ont peu l’occasion de travailler sur ce type de détresse. En tant que dirigeant-e-s, nous sommes supposé-e-s être au-dessus de ça. Les gens attendent de nous que nous soyons au clair sur ces choses-là. Nous faisons de notre mieux pour paraître ainsi, mais trop de fois, nous devons enterrer ces restimulations. Cela rend les fondations de notre travail un tantinet spongieuses et instables.

Paru dans Present Time N°135 (Avril 2004)

Traduit par Régis Courtin


Last modified: 2019-05-02 14:41:35+00