Défier l’isolement

D’après une présentation par Tim Jackins à l’atelier des Formatrices-Formateurs
et Dirigeant-e-s de la Frise et des Pays-Bas en septembre 2019

Nous nous sentons isolés. Nous sommes isolés. Nous ne savons pas comment être connectés avec les autres autant que nous le voudrions. Souvent, nous essayons d’avoir une connexion avec quelqu’un, et puis nous sommes restimulés tous les deux et nous abandonnons. Après, on continue et on essaye peut-être encore.

Combien de fois avez-vous essayé et abandonné ? Avez-vous tenté tellement de fois que vous n’essayez même plus ? Beaucoup d’entre nous restons assis à attendre que quelqu’un vienne à nous. Ça ne marche pas très souvent. Les autres attendent tous que nous venions à eux.

L’isolement interfère avec tout ce que nous faisons, y compris avec notre activité d’écoute mutuelle. Quand je suis écouté, je ne te dis pas véritablement tout, à toi mon écoutant-e. Je t’en dis un peu, mais il y a beaucoup plus de choses qui se passent dans mon esprit que je ne te dis pas. C’est vrai aussi pour vous. Votre écoutant-e vous suggère une phrase en pensant qu’elle va vous aider à décharger, et vous la prononcez. Mais parfois, vous pensez à votre propre phrase pendant que vous prononcez la leur. (rires) Même dans cette situation, nous ne pouvons pas réellement nous connecter et nous utiliser pleinement les un-e-s les autres. 

Je ne sais pas vraiment comment tout vous dire. Il n’y a jamais eu personne avec qui je pouvais le faire. Sauf à remettre en cause cette sorte d’isolement, nous restons séparés. Parfois, je regarde mon écoutant-e et je vois de l’inquiétude sur son visage. Ce n’est pas rassurant. Et si je n’y prends pas garde, je mets un peu de distance dans mon esprit. Après, je me fais travailler moi-même plus que je ne les laisse faire. Mais si je m’arrête un instant et que je réfléchis, je réalise que ce qui importe ce n’est pas que mon écoutant-e a un automatisme d’inquiétude — ce n’est qu’une restimulation — ce qui importe c’est que cette personne souhaite être à mes côtés et faire des efforts pour moi. Elle a décidé d’être de mon côté, et ça je peux toujours l’utiliser. 

Vous pouvez regarder votre écoutant-e et lui demander “Est-ce que tu es vraiment de mon côté ?” Vous devrez peut-être lui poser trois ou quatre fois la question avant de pouvoir entendre sa réponse. Après, c’est votre rôle en tant que personne écoutée d’essayer de la croire — de ne pas laisser votre esprit acquiescer aux sentiments qui disent que personne ne voudra jamais être à vos côtés. Vous pouvez décider de la croire. Vous pouvez décider que ce qu’elle dit est vrai. Vous pouvez le faire. N’attendez pas que votre écoutant-e vous en convainque. Cette personne a décidé d’être à vos côtés. Servez-vous de ce fait. 

Faisons une mini-séance. Demandez à votre écoutant-e “Est-ce que tu es vraiment de mon côté ?” et essayez de comprendre ce que ça pourrait signifier. 

(mini-séance)

On pouvait entendre dans la salle à quel point nous doutons les un-e-s des autres. Ne le prenez pas pour vous personnellement. Ce n’est pas dirigé contre quiconque en particulier. La personne qui ne vous fait pas confiance ne fait confiance à personne. C’est le propre des automatismes. Mais à moins de défier l’isolement, il est difficile de travailler là-dessus en profondeur. 

Au début d’une séance dans laquelle vous allez travailler sur des blessures précoces, demandez à votre écoutant-e “Est-ce que tu es de mon côté ?” Déchargez un peu là-dessus, sur ce qui vous empêche d’utiliser au mieux son attention. Ensuite, vous pourrez vous reposer davantage sur votre écoutant-e pour lutter contre la détresse précoce.

Nous avons tou-te-s des difficultés semblables. Nous avons tou-te-s été blessés très tôt par l’isolement. Après, nous avons subi les blessures de toutes les oppressions de la société — le racisme, le sexisme, l’oppression des hommes et l’antisémitisme — Mais les blessures précoces sont venues les premières, et décharger dessus rendra toutes les autres batailles bien plus claires. 

Nous avons besoin de quelqu’un de notre côté, et à nos côtés, dans ces batailles précoces. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de tout le monde. Ce n’est pas une lutte individuelle. Notre société nous a tou-te-s blessés. La lutte est véritablement une lutte collective contre ce qui s’est produit pour chacun-e de nous. Nous pouvons nous battre pour chacun-e de nous. C’est ce qui nous est donné d’apprendre à faire. 

D’abord, nous devons décider que nous allons le faire. Ensuite, nous devons décider que d’autres personnes vont décider de le faire, que nous ne sommes pas tout seuls. Alors, nous pouvons revenir en arrière et reprendre les luttes précoces qui ont semé la confusion en nous. 

Traduit de l’anglais par Régis Courtin


Last modified: 2023-03-16 21:09:50+00